vendredi 30 septembre 2016

Sortie de milieu de semaine

Heavy metal et transe méditative, chants de gorge Inuit, danse incarnée, théâtrale et sensuelle. Deux options : ou vous n'avez jamais entendu parler de Tanya Tagaq, ou vous l'avez tout de suite reconnue.



Je reviens de voir son show, qui m'a happée et envoûtée comme peu de spectacles musicaux l'ont fait auparavant. J'avais d'ailleurs cette intuition, en écoutant des extraits de ses performances disponibles en ligne, que l'expérience du live ferait une immense différence. Intuition confirmée.

Tagaq hypnotise. Parfaitement maîtresse de sa voix, elle varie les hauteurs, les rythmes, les intensités. Elle bouge sa musique, fait résonner chaque inflexion de la voix jusqu'au bout des doigts, grogne, saute, se recueille... Elle semble incarner des personnages variés, voire raconter des histoires. Les contes qu'elle transmet ainsi sont chargés d'émotion, de nuances et de vérité.

Et on se sent bêtement démunie d'essayer d'expliquer tout cela avec de vulgaires mots...

mercredi 21 septembre 2016

La délivrance au CTD'A

La délivrance

Un monologue tout en délicatesse sur l’abandon parental et la construction de soi

Après La liste et Le carrousel, une troisième pièce de Jennifer Tremblay mettant en scène Sylvie Drapeau est à l’affiche du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Troisième opus de la trilogie, La délivrance est, comme la pièce précédente, mise en scène par Patrice Dubois.

La représentation commence par un son de cloche répété. Le ton est donné : dramatique, solennel, mais aussi religieux. Ce qui relie les personnages de cette pièce, tous interprétés par Sylvie Drapeau, a été abîmé, et il faudra soit le réparer, soit s’en affranchir.

L’imminente mort de la mère et son insistance à voir son fils à son chevet constituent le point de départ de cette pièce dans lequel la médiatrice, respectivement fille aînée et sœur des deux premiers, met temporairement de côté son propre chagrin afin de réconcilier les deux êtres. Au fil des souvenirs racontés par la protagoniste à son frère au téléphone, le spectateur restitue le passé familial.

Tremblay exploite ici les douleurs nées de l’abandon parental et leur impact sur les relations familiales. La délivrance du titre fait référence autant au réconfort que la protagoniste trouvait, enfant, dans la prière qu’à l’euphémisme donné à l’expulsion du bébé lors de l’accouchement. En filigrane de la trame principale au sujet de la maternité et de l’identité point un discours critique sur les normes de genre qui contraignent et limitent les personnages.

La mise en scène paraît plus réussie que celle du Carrousel. La polysémie du texte est ici conservée, plutôt qu’étouffée dans une scénographie époustouflante. Un élément pourra toutefois rebuter le spectateur : la scansion de l'actrice, particulière et détachée, comme si les émotions que recelaient le texte étaient volontairement mises à distance par la personne qui les énonçait. Si l’effet produit paraît artificiel, en revanche, il sert plutôt bien le propos.

La scénographie de Pierre-Étienne Locas, simple dans l’ensemble, s’avère efficace pour souligner sans marteler les jeux de miroirs présents dans le texte. La disposition scène-salle est en ce sens particulièrement signifiante, tout comme les jeux de miroir et de réflexion à l’œuvre dans l’espace scénique.

Il en résulte une œuvre cohérente mais exigeante, sérieuse sans être lourde.


Texte de Jennifer Tremblay, mise en scène de Patrice Dubois, avec Sylvie Drapeau.
Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, 20 septembre au 15 octobre 2016.